HEC et les autres élèves
Pourquoi les enfants des autres font HEC ?
Votre enfant n'est pas une bête à concours et suit un cursus "normal" ? Nos conseils pour déculpabiliser.
Selon Xavier Pommereau, psychiatre : « Dans certains milieux plutôt privilégiés, il existe une forme de honte sociale à avoir des enfants qui suivent un cursus moyen. »
La saison des inscriptions postbac bat son plein, assortie de son cortège d’interrogations… et de complexes. Autour de vous et de votre enfant si « normal », il n’y a que des « bêtes à concours » ? Un seul mot d’ordre : déculpabiliser !
Il y a des gens énervants. Au hasard ? Tous ceux qui dans les dîners passent haut la main l’épreuve du « Et que font vos enfants ? » Ils ont une Pauline en stage à Hongkong (HEC), un Mathieu qui « est tellement heureux à Sciences Po » et une dernière qui entre en hypokhâgne BL (la plus dure) l’an prochain. Face à cette fabrique à champions, quand on ne peut exhiber qu’une « petite » école de commerce postbac ou une licence de droit en cours, on fait un peu figure de parents… pauvres. Surtout quand l’assemblée, avec un brin de commisération, s’exclame aussitôt : « C’est formidâââble, il paraît qu’il n’y a que 30 % de reçus à Assas chaque année ! »
« Dans certains milieux plutôt privilégiés, confirme le psychiatre Xavier Pommereau, directeur du Pôle jeunesse du CHU de Bordeaux, il existe une forme de honte sociale à avoir des enfants qui suivent un cursus moyen. Normal n’est pas assez, il faut être excellent !
Car le jeune qui réussit spectaculairement remplit parfaitement sa mission de faire-valoir parental. Il conforte publiquement ses géniteurs dans leur statut de “bons parents”, qui ont su transmettre le goût de la réussite extrême à leur progéniture. »
C’est là que le bât blesse : quand on a le malheur – relatif – d’avoir des enfants qui suivent un trop petit bonhomme de chemin pour les standards très normés de leur environnement. À facilité d’accès à l’éducation égale, à quel moment ont-ils loupé le coche ? La tentation est forte pour les parents de prendre la chose très personnellement. Les « j’aurais dû » se bousculent. Et l’on se souvient de ces vacances tellement douces sans devoirs ni lectures obligatoires. De cette détestation souvent affichée du bourrage de crâne à la française, voire de ricanements mal dissimulés au retour des réunions parents-profs… En a-t-on trop fait ? Ou pas assez, d’ailleurs ?
On a toujours préféré regarder un Lubitsch en famille plutôt que suivre les devoirs. Ou aller tranquillement au restaurant japonais plutôt que courir les samedis « portes ouvertes » des bonnes prépas… C’était peut-être là l’erreur. On se reproche aussi d’avoir pourri nos précieux chéris. Cette petite vie facile leur a sans doute ôté tout sens de l’effort. Pourtant, certains de leurs congénères à succès ont été très gâtés aussi, ce n’est donc même pas une excuse ! Alors, au fond de soi, très au fond, pointe la question ultime : est-ce mon capital génétique le coupable ? Traduisez-moi aussi, j’étais plutôt nul(le) en maths. La coupe est pleine quand on apprend qu’un des brillants petits génies de service n’a, selon sa mère, « jamais cessé de sortir en boîte pendant toute sa prépa ». La bête à concours n’était donc même pas un zombie asocial – quel toupet !